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KillerMay avait tendu sa main dans une direction, pas n’importe laquelle. Etait-ce grâce à ses nouveaux sens d’ange ? Quoiqu’il en soit, avant même de suivre du regard le doigt fin tendu bien haut au-dessus du sol, il savait déjà de quoi il s’agissait. Sënlys. D’ailleurs, elle s’était empressée de le formuler à haute voix. C’était son domaine, à May. Il n’y avait qu’en ces lieux qu’il avait pu l’avoir, et pour cause… Cela devait-il se prolonger ainsi également dans la mort ? Elle menait la barque, comme toujours. Elle le cherchait, l’excitait, puis le frustrait… C’était tout juste ce qu’il aimait, alors il n’allait pas s’en plaindre. Pourtant une partie de lui rechignait à se laisser ainsi dominer. Peut-être les nouveaux pouvoirs dont il était paré le rendaient-ils moins soumis. Peut-être était-ce pour cela que, au lieu de suivre May au pied de la tour, l’avait-il soulevée dans les airs, pour la mener en son domaine. Mais, oui, en son domaine. Elle allait très rapidement reprendre ses droits. Mais était-ce vraiment si gênant que cela ?
Le sourire licencieux d’Azraël s’élargit lorsqu’elle fit allusion à ce qu’il pourrait se passer s’il ne se hâtait pas vers Sënlys. Il pensa que, l’espace d’un instant, il avait pensé à la prendre là, dans les airs, à la vue de tous, anges et esprits de Nemausus. Vision diaboliquement bestiale qui aurait vite fait de plonger la ville dans une torpeur dégoûtée. Mais non, ce n’était pas une bonne idée. Leur pacte devait rester secret. D’ailleurs, rien que les voir ainsi enlacés était risqué. Ils avaient beau être bien hauts, leur aura saurait être reconnue par les intéressés. Surtout les auras d’un ange et d’un esprit si proches, cela ne manquerait pas d’attirer l’attention. Il était donc plus avisé de rejoindre des lieux plus intimes. Et quoi de mieux que Sënlys ? Après tout, c’était là que tout avait commencé.
Azraël se contenta de mordiller brièvement mais lascivement la lèvre inférieure de May avant de s’élancer dans la direction de Sënlys. Ses larges et puissantes ailes battaient les airs dans un bruit caractéristique de bourrasque et de claquement au vent. Le déplacement d’air créait des petites brises frisquettes qui eurent tôt fait de rougir quelque peu le teint très clair d’Azraël. C’était une nuit glaciale à vrai dire, mais en ce qui concernait Azraël et May, il était évident que la température était beaucoup plus haute. D’ailleurs, il était clair qu’Azraël commençait à être réellement impatient car il se hâtait, manifestement, volant aussi rapidement qu’il le pouvait. Sa respiration était courte et bruyante et ses mains se crispaient sur le frêle corps de May, tant qu’on aurait pu croire qu’il allait briser cette petite poupée.
Ils arrivèrent bientôt en vue de Sënlys, et Azraël accéléra encore comme un sprinter en fin de parcours. Il repéra de suite la fenêtre de la chambre de May, car elle était ouverte, comme elle lui avait dit, mais également car il savait bien où elle se trouvait, pour y avoir été de nombreuses fois par le passé. Il fonça tel un rapace sur sa proie à travers l’embrasure de la fenêtre. Arrivé enfin dans la chaleur de la chambre, il ralentit et, continuant à léviter à à peu près un mètre au-dessus de sol, il se rapprocha du lit où il déposa doucement May dans les draps de satin de façon à ce qu’elle soit allongée sur le dos. Il ne s’était toujours pas posé, appréciant ce petit plus que lui conféraient ses ailes. Cela pouvait être intéressant de profiter de sa condition d’ange en une telle situation, il devait y réfléchir.
Il lévitait donc juste au-dessus de May, penché sur elle, à quelques centimètres seulement de son corps, ses mains effleurant ses épaules et ses lèvres touchant presque celles de la jeune femme. Sa respiration était toujours un peu plus forte que d’habitude, à cause de la course, mais pas seulement, évidemment.
- Si vous avez la moindre requête, je suis à votre service, Darling, susurra-t-il sur ses lèvres.
Il était revenu tout naturellement au vouvoiement, sûrement à cause de ce sentiment qui l’avait envahi lorsqu’il avait pénétré dans cette chambre. Cela l’avait ramené à l’époque où il était devenu client de May, lorsqu’ils étaient tous deux humains. Il s’était toujours montré un exemplaire gentleman envers elle, et il devait bien s’agir de la seule personne au monde envers qui il se soit comporté de la sorte. On ne change pas de si bonnes habitudes, même après cent ans de sommeil.