Est-ce la neige ? Tout semble si blanc, si pur. Comme enveloppé par un bouclier fait de plumes blanches et fragiles, je me sens protégé de tout, presque serein dans ce cocon chaud et réconfortant. Même mon cœur semble battre paisiblement, rassuré de pouvoir à présent vivre sans avoir peur de battre trop fort. Suis-je libre ? Je ferme les yeux. J'ai l'impression de flotter dans le vide ; c'est étrange, mais c'est comme si je volais. Alors... si je suis libre... Je ne peux que être mort. Ou peut-être perdu dans les nuages... Quelque part où personne ne pourra me rattraper. Je flotterai par là-bas, ou peut-être plutôt par ici... Simplement au gré du vent qui me caresserait le visage avec tendresse, une tendresse protectrice. Peut importe si je ne suis plus maître de mon corps et s'il appartient à présent à cet élément... Je ne veux plus que continuer à ressentir cette chaleur. Je ne me souviendrai de rien... Ni des coups, ni du noir, ni de la douleur... Paisiblement. Si j'avais su que ce serait dans ma mort que je vivrais enfin...
Et toi... Toi, mon sauveur. Pourrais-je un jour te dire que cet aura apaisant est comme celui que tu avais ce fameux jour ? Doux et sucré... J'aurais presque envie de mordre dedans à pleine dent. Au fond, je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite. Je me souviens juste de tes yeux... de ce regard que tu m'as adressé... de la chaleur de tes bras contre ma taille... et de toute cette attention que tu m'as donné ce jour-là. Pourquoi ne t'ai-je pas écouté ? J'aurai tant voulu... Mais même si je ne sais rien, même si je ne sais plus, tu seras éternellement mon saveur. Je te garde une place bien chaude à côté de moi parmi les nuages... tu me rendras visite ?
Le temps se comprime ; tout ralentit. La douceur devient douleur ; le blanc devient rouge, rouge comme le sang, un rouge agressif. Où suis-je à présent ? Ce n'est pas mes nuages, ce n'est même pas la prison. Et pourquoi ai-je si mal à la poitrine ? Pourquoi est-ce que je me sens aussi vide ? Et cette sensation d'être pourtant apaisé... calme... reposé ? Mes yeux sont ouverts ; pourtant, je vois flou. Comme si j'étais soudainement enfermé dans mon monde, mais posé, là, dans le sud de nul part, dans un monde que je ne connais plus. Alors... je suis encore vivant ? C'est avec peine au cœur que je me rend progressivement compte que tout ce qui m'entoure n'est plus nuages, blanc et vide, mais bel et bien ce qui se rapproche de près ou de loin à une chambre.
Rien n'est fini... Tout commence. Voilà mon nouveau châtiment.
Reprenant peu à peu connaissance, je cligne des yeux à plusieurs reprises, essayant d'apercevoir ce nouveau décor. Avec quelques efforts, je fini par distinguer les draps rouges dans lesquels je suis enveloppé, sales et poussiéreux, mais particulièrement chauds et doux. Avec surprise, je me rend compte que je suis allongé dans un lit qui, bien qu'un peu miteux, est particulièrement douillet, surtout pour mes côtes endoloris depuis si longtemps par le sol rude de la prison. J'ai comme l'impression de ne pas être totalement descendu des nuages... mais bel et bien encore dans un rêve. Un rêve tentateur... Un rêve perfide... Un rêve qui finirait par me rejeter au fond de ma cellule sans aucune pitié équivoque. Chacun de mes muscles, étirés fibres par fibres, finissent par trembler sous cette chaleur envahissante, dominant tous mes sens, achevant son pouvoir sur chacune des cellules de mon corps. Que se passe-t-il ? Où suis-je ? ... Uriel ? Est-ce toi qui m'a emmené ici ? Pourquoi m'y abandonne-tu... ?
Brutalement, je me relève dans mon lit, suffoquant sous la chaleur, la respiration difficile. Mon coeur bat soudainement si vite que j'ai du mal à le suivre. Tout est si confus. Tout est si flou. Ici, le soleil parvient à passer à travers la saleté des carreaux des fenêtre. Ici, tout semble tellement grand. Ici, il fait chaud. Mais où est ce ici ? Pourquoi ne suis-je plus en prison ? Mieux... pourquoi ne suis-je pas mort ? Pourquoi m'interdit-on de mourir ?
- URIEL !
Qui es-tu ? Je n'en sais rien. Je ne sais pas pourquoi je crie ton nom... mais je sais que j'ai besoin de toi à cet instant. Sans toi, je ne m'en sortirai pas. Alors j'hurle encore et encore, peut-être que tu m'entendras... Ou peut-être n'aurai-je que le silence en guise de réponse. Mais je sais que j'ai besoin de t'appeller autant que j'ai besoin de ta présence... J'ai besoin d'essayer de me retrouver près de toi... Ou de te ramener près de moi... Besoin. Besoin. Mais qui es-tu, bon sang ? Viens me réchauffer... Prend moi dans tes bras... Dis moi...
Dis moi où je vais...