Nemausus
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Nemausus

Nemausus. 17ème siècle. Après un bal masqué ayant mal tourné, la ville perd peu à peu pied... supporterez-vous la volonté divine ?
 
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 Le masque de la pianiste [PV]

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Eden Northen
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Eden Northen


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MessageSujet: Le masque de la pianiste [PV]   Le masque de la pianiste [PV] Icon_minitimeLun 26 Jan - 12:40

.:.

« Si la chose s’est produite, alors l’homme doit être préparé à accepter, sur l’univers et sur la place que lui-même occupe dans le tourbillon bouillonnant du temps, des idées dont le plus simple énoncé est paralysant. Il faut aussi le mettre en garde contre un danger latent, spécifique qui, même s’il n’engloutit jamais la race humaine tout entière, peut infliger aux plus aventureux des horreurs monstrueuses et
imprévisibles. »



Extrait de Dans l’abîme du temps.
H.P Lovecraft
.


.:.


Ses doigts se déposèrent avec délicatesse sur le piano usé que les flammes paraissaient avoir épargné. Son index entama la danse, appuyant sur la touche grisonnante, avant d’être suivi par les autres doigts qui le poursuivirent dans sa valse effrénée. Cavalcade incessante.

Les danseurs se retournèrent, chimères d’un temps révolu et d’un bal où tout aurait dû être parfait et beau. Les dames rougirent, les cavaliers tendirent des mains gantées tandis que leurs corps se mouvaient, en rythme avec la musique qui résonnait dans les oreilles de chacun. Un nouveau bal s’annonçait. Les murmures allaient de bon train, les bouches remuaient, alors que les notes s’égrenaient, s’envolant, aussi éphémères qu’un papillon et aussi légères qu’une plume d’ange. Les couleurs se ravivaient à mesure que la musique emplissait la salle, la réveillant de sa torpeur, la tirant du conte de fées sordide dans laquelle on l’avait condamnée, acceptant avec un sourire hagard le Happy End qu’on lui offrait.
Ouvrant lentement les yeux, s’ébrouant et époussetant leurs habits, les majordomes s’empressèrent de garnir leurs plateaux de victuailles en tout genre et se glissèrent parmi les convives, proposant rafraîchissements et nourritures paraissant venir d’un pays lointain qu’aucun ici ne connaissait. Mais personne ne se souciait vraiment de leur origine. Il n’était question que d’amusement, de paillettes et d’hypocrisie. Ce bal permettait le règlement des dernières affaires en cours, il influençait les décisions, les hommes s’enivrant de cette atmosphère à la fois douçâtre et vile.

La mélodie ne s’arrêta pas, redoublant d’intensité, mêlant les sentiments du pianiste à l’engouement déjà présent dans la salle et titillant les esprits, incitant à la fête et à l’insouciance.

Une dame à la robe de mousseline rose, s’évasant en une dentelle légère accepta avec beaucoup de réticence la main qu’un jeune homme à l’air suffisant lui tendait. Malgré sa répugnance, elle pressa son corps contre le sien, acceptant, le temps d’une soirée, d’être la cavalière d’un parfait inconnu dont le physique ne lui inspirait aucune confiance. Le jeune homme en lui-même n’avait rien d’autre en tête que des pensées salaces et se fichait bien de la danse ou des autres jeunes gens, s’imaginant être tombé sur une proie facile.
Plus loin, les parents de ces deux danseurs se regardaient en souriant, les deux pères se serrant la main. L’affaire était conclue. La liberté de la jeune fille venait d’être mise aux enchères, semblable à n’importe quel bijou de famille dont l’on doit bien se débarrasser un jour, et la chaîne de la servitude avait été passée autour de son cou. Mais cela, elle ne le savait pas encore. Elle se contentait pour l’instant de laisser voguer ses idées au gré de ses envies et de ses incertitudes, ignorant tout de l’accord tacite que venait de passer son géniteur, son esprit injuriant sans sourciller celui qui deviendrait son époux dans les mois qui allaient venir.
Dans un coin, une petite fille affichait un air boudeur, apparemment mécontente parce que son grand frère refusait de lui accorder une danse, serrant contre elle un lapin en peluche d’un blanc immaculé, refusant de bouger avant que ses désirs ne soient satisfaits. Si cette petite fille avait su qu’il s’agissait là du dernier soir qu’elle passerait en compagnie de sa famille, aurait-elle agit autrement ?

Les regrets sont futiles et il n’est rien de plus inutile qu’une rancœur lancée au hasard, seulement bonne à s’abattre sur les pauvres innocents se trouvant au mauvais endroit, au mauvais moment.

Le grand frère en question était, d’ailleurs, en pleine discussion avec un homme à la mine sévère et dont le costume allait de pair avec son air si strict. Le jeune homme aurait donné n’importe quoi pour être auprès de sa sœur, lui accordant les danses les plus folles, si cela lui avait permis d’échapper à son tortionnaires qui lui parlait, ignorant la musique et les rires, de politique, d’économie, et de tant d’autres sujets qui aurait arraché un bâillement d’ennui au premier venu.
Il se lissa les cheveux, s’inclina et décréta que sa petite sœur réclamait son attention, qu’il ne pouvait pas se permettre de la faire attendre plus longtemps au risque d’en subir les représailles sitôt le bal terminé. Un rire lourd et grave naquit dans la gorge de celui qui le gardait prisonnier et il le relâcha, acceptant cette excuse étriquée qui se défit, tombant en lambeaux, lorsque le jeune homme rejoignit la petite fille, chassant son air sombre qui faisait fuir les autres enfants de son âge. Il lui tendit une main qu’elle accepta après moult hésitations feintes et parti dans un grand éclat de rire, illuminant à son tour le décor de sa joie.

Le masque se craquela, les morceaux allant se briser au sol dans un bruit veule qui ne perturba personne. La pièce s’emplit de cris et d’horreur tandis que les flammes venaient lécher les pieds de ces convives arrogants, désirant, à leur tour, participer à la fête.

Un visage plein d’horreur laissa échapper un cri de douleur et de haine. Sa main alla en chercher une autre, criminel prêt à tout pour ne pas mourir esseulé. La jeune promise se retrouva à son tour happée par l’incendie dévastateur, brûlant sous les yeux de ses parents qui ne s’attardèrent pas. C’était chacun pour soi. L’instinct avait pris le dessus sur tous les principes et les domestiques bousculaient les grands de ce monde sans ménagements, avide de sauver ce qu’il restait d’eux.
Une table se renversa alors que tous se ruaient vers la porte, tambourinant sur le battant et s’acharnant sur une poignée qui refusait de s’ouvrir. Frustré, les hommes les plus forts dégainèrent leurs biceps et se jetèrent à leur tour dans la bataille, abattant leurs corps sur celle qui refusait de laisser s’enfuir, les maintenant prisonnier du piège dressé par le feu.
Après de longues minutes d’obstination vaine, les battants cédèrent enfin et les convives s’empressèrent de regagner l’air frais, délaissant ceux qui étaient en proie aux flammes et partant dans des rires nerveux, heureux d’être sauvé et d’avoir échappé à la mort. Une grosse dame à la robe d’un rouge criard parlait fort et vite, inondant ceux qui l’entouraient de sa panique, déclarant que sa fille et son fils étaient encore à l’intérieur et qu’il fallait à tout prix les sauver. Mais aucun ne bougeait. Personne ne voulait prendre le risque de retourner se jeter dans les flammes pour des gens dont ils ne connaissaient rien.
A l’intérieur, le chaos était le plus complet. Ceux qui le feu ravageait discernaient les contours de la porte et le ciel étoilé sans pouvoir gagner leur liberté. Les menottes de la mort étaient passées autour de leurs chevilles et de leurs cous. Le désespoir se lisait sur tous les visages. Dans la chaleur, un hurlement d’enfant retentit. Déchirant. Un lapin en peluche roula sur le sol, rescapé pour un temps de l’incendie avant de finir lui-même victime de l’ardeur sans fin du feu qui les dévorait.

Sa main se leva alors que le reste de son masque tombait à ses pieds, la tirant des images que lui prodiguait la pièce. Le salon des masques. L’endroit où s’était déroulé l’incendie et où les murs portaient encore les traces noires des flammes. Elle n’avait pas résisté à l’appel du piano qui se trouvait dans un coin de la pièce, à l’écart, laissant une large place aux danseurs pour se mouvoir à leur aise et amplifier leurs gestes, tentant d’impressionner les autres et de leur arracher des sourires béats face à leur magnificence.
Ses yeux se perdirent dans le reflet que lui renvoyait l’instrument. La mélodie avait pris fin. Les illusions et les fantômes étaient retournés au néant, vision cauchemardesque d’un bal sordide et pathétique.
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Alek Fear

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Alek Fear


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MessageSujet: Re: Le masque de la pianiste [PV]   Le masque de la pianiste [PV] Icon_minitimeSam 31 Jan - 13:59

    « La vie est lunatique et se plaît à mener
    les événements comme une fantaisie,
    sans rime ni raison. »
    [Roland Dorgelès]




    Notre âme esseulée préférée sentit l’appel, puissant, surpuissant même de la sainte Musique. Qui ose rappeler les morts à la raison suprême ?
    Revenir en ces lieux lui coûtait, et pourtant…Il bravait l’interdit, sentant que le fruit défendu était toujours le meilleur, le plus savoureux en outre. Ses pas traversèrent un corridor sombre où le tapis usé, bien qu’encore moelleux sous lui, se fondait dans cette atmosphère capitonnée. Il se sentit soudain à l’étroit, comme s’il était devenu claustrophobe. Il étouffait et l’air qu’il cherchait à inhaler, à happer dans cette poussière dense s’échappait et s’éloignait. Trop las pour la traquer, Alek se laissa guider par la mélodie qui semblait raviver en lui de terribles souvenirs. Il suivit le fil rouge jusqu’à la salle et avant d’y pénétrer, il retint son souffle, amena sa main sur la poignée de la porte et attendit. Le son était plus fort. Il entendait nettement chaque note se détacher. Elles s’envolaient avec son esprit. Les réminiscences affluaient par millier. Le jeune homme ferma les yeux un bref instant. Il s’imprégnait de l’harmonie que procurait l’instrument qu’il préférait. Une brèche vers l'autre monde semblait s'être décidée à s'ouvrir afin d'éclairer l'endroit.
    Qui était donc ce virtuose ? Ce maestro ? Il n’en avait cure après tout. Cependant, cela avait le don de l’intriguer. Ne se sentant pas d’humeur à lui faire une frayeur, il tenta de calmer ses malheureux tics : le rictus qui déformait sa bouche, et ses yeux flamboyants, aussi écarlates que le sang, qui brillaient d’une lueur maléfique habituellement…
    Quand il fut fin prêt, il ouvrit le battant de la porte avec une certaine appréhension, s’attendant à un grincement assourdissant. Par chance, la porte glissa sur ses gonds avec une facilité étonnante et n’émit pas le moindre bruissement, ce qui n’interrompit pas la pianiste. Oui, car il s’agissait d’une jeune femme. Ses doigts se mouvaient avec une fluidité remarquable sur le grand piano, allant d’une danse frénétique à une ballade plus douce. Lui, paraissait fasciné, subjugué même par tant de talent. Il voguait sur la mélodie entraînante qui rappelait à elle une catastrophe et invoquait derechef en ces lieux sinistres les spectres disparus. Une si belle salle méritait-elle pareille décadence ?
    Les murs portaient encore des traces de cendre et le plafond s’émiettait. Des petits morceaux de plâtre s’écrasaient par terre, salissant les beaux ornements du parterre. Le parterre qui assistait à la fin d’une époque désormais révolue, vacante. Il assistait, impuissant, au spectacle de la dévastation, de la destruction la plus vile, de l’anéantissement le plus complet, de la Mort elle-même vaquant à ses occupations favorites.
    Attiré comme un aimant, il avança dans sa longue cape sombre qui faisait partie intégrante du personnage et qui voltigeait derrière lui. Elle s’enroulait autour d’un corps gracile autant qu’agile. Le tableau portait une certaine beauté, bien qu’obscure. Des touches de lumière pâle égayaient légèrement la silhouette méphistophélique par endroits. Le visage notamment, dont la peau marmoréenne contrastait avec ses vêtements d’homme des pompes funèbres. Il poursuivit son chemin avec assurance. Il semblait flotter au-dessus du sol car il ne laissait aucune trace de sa présence. Il était quasi indétectable.
    Alek s’approcha tellement près, qu’il pouvait presque sentir le parfum que dégageait l’inconnue, toucher ses cheveux brillants, lui murmurer quelque chose à l’oreille, mais il se retint. Il préférait attendre, patienter tranquillement qu’elle eut fini sa joute musicale. Quand les notes s’éteignirent, que les danseurs reprirent le chemin des ombres et que le silence reprit ses droits, le jeune Fear susurra à la jeune demoiselle :


    « Vous manipulez votre instrument avec brio Mademoiselle, vous méritez toute mon estime…Eden Northen. »


    Accompagnant le geste à la parole, il applaudit, diabolique. Sa voix s’était évadée, mielleuse, de sa cavité buccale. Ses inflexions ironiques ressortirent par la même occasion et l’écho qu’elles provoquèrent allèrent s’écraser contre les murs masqués.* Finalement, notre protagoniste avait voulu se montrer théâtrale, un peu trop d'ailleurs. Il n'avait pu résister à l'appel de la peur facile qu'il procurait chez les autres. Il avait opté pour le côté sensationnel de son apparition subite.
    Et maintenant ?**
    Plus profonde, le jeune arrogant lança à nouveau une réplique cinglante, hors de tout propos et aussi provocatrice qu'elle le pouvait être :


    « Puis-je devenir votre prince ? »


    Il se jouait magnifiquement d'elle et bientôt elle saurait à quoi s'en tenir avec notre bel insolent qui aimait troubler les moeurs de ces gens. Mais s'il était capable de prendre son coeur, il était tout aussi capable de le poignarder quand elle s'en douterait le moins.***

    _____________________________________________


    *Bon ok j’avais fait fort sur ce coup-là. Je m’attends presque à un hurlement de peur non dissimulé. Mais je ne suis pas un esprit frappeur pour rien. De plus, je connais le nom de toutes mes victimes potentielles. Vais-je la hanter comme il se doit ?

    ** Qu'elle se retourne & se détourne, je n'attends plus que ça à présent. Va-t-elle voir en moi l'esprit imbu de lui-même ? Le comédien de Vaudeville ? Le séducteur mystérieux & anonyme ? Ou bien la terreur des sept mers ? Hum...ce n'est pas évident à détecter.

    *** Machiavélique ? Moi ? non, jamais ! Jamais de la mort !


Dernière édition par Alek Fear le Sam 7 Fév - 19:44, édité 2 fois
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Eden Northen
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MessageSujet: Re: Le masque de la pianiste [PV]   Le masque de la pianiste [PV] Icon_minitimeMer 4 Fév - 19:15



Une voix. Délicieuse et envoûtante. Un sursaut. Et plus rien… Sinon des applaudissements qui se heurtèrent aux murs du salon, sonnant désagréablement aux oreilles de la demoiselle. La surprise se débattit longtemps pour garder la place favorite, mais une peur sourde et incompréhensible parvint à la destituer de sa couronne si difficilement acquise. Bonne joueuse, elle se répandit en panégyriques toujours plus grandioses et vivaces avant d’esquisser une dernière révérence et de quitter la scène, emportée par un chaos inextricable qui menaçait d’envahir l’esprit de notre chère protagoniste.
Attirés en vagues inégales jusqu’à l’épicentre du séisme, les souvenirs affluèrent, violents et peu courtois, se bousculant sans fin, cherchant à gagner le foyer pour frapper là où leur écho créerait le plus de dégâts. Pétrifié, le corps, ne sachant quelle position adopter, se tenait dos à l’individu dont les intonations réveillaient tant de maux profondément enfouis. Nul au milieu de cet éparpillement ne désirait connaître les traits allant avec ce son si merveilleux qui avait arraché un frisson à la jeune fille sitôt qu’il avait jailli. Ce qu’elle s’imaginait n’avait rien de commun avec la réalité, mais ces chimères d’un passé qu’elle souhaitait de tout son cœur oublier suffisaient à la maintenir éloignée d’un être qu’elle ne connaissait pas.
Fermant les yeux, elle guetta avec appréhension la prochaine salve, se préparant mentalement à l’accueillir. Elle savait déjà que tous ses pires cauchemars étaient à présent en éveil, guettant la moindre faiblesse.

A nouveau, la voix surgit, effleurant sa colère et bousculant tous ses principes. Oublier. Ce verbe dont elle avait tant détesté chacun des accents avait à présent des allures de véritable ami. Elle se reprit. Ses traits se raffermirent, retrouvant leur morosité habituelle, recouvrant ce masque d’ennui quotidien qui était le sien. Terne, elle aurait pu paraître pour morte si sa poitrine ne s’était pas soulevée de temps à autre, témoignage que la vie habitait encore ce corps dépourvu de sensations. Elle avait été sotte de s’emballer ainsi et elle s’en repentait amèrement.
Respirant légèrement, évitant tout geste qui aurait pu trahir la confusion qui l’avait assaillie quelques minutes plus tôt, elle se retourna, faisant face à un homme dont la peau pâle lui rappelait indéniablement la sienne, celle d’un amour interdit et désormais révolu. Ses yeux errèrent un long moment sur ce visage et c’est avec soulagement qu’elle constata qu’elle ne le reconnaissait pas… Jusqu’à ce qu’ils aillent, plein d’une curiosité inassouvie, se poser sur les mains de l’inconnu et qu’un infime tressaillement lui échappe avant que son assurance ne reprenne ses droits.
C’était tout ce qu’il lui restait, son sang froid. L’une des rares choses qu’il ne lui avait pas volée et dont elle s’était même emparée au fil des nuits qu’ils avaient passé ensemble. Elle se permettait donc de l’utiliser sans gêne aucune, s’octroyant sa petite victoire à elle aussi.

Dans son bouleversement, elle n’avait pas tenu compte que le jeune homme avait prononcé son nom et l’information lui avait désormais échappé, s’étant enfoncée bien trop loin dans son esprit pour qu’elle y prête attention. Cette inadvertance ne la dérangea, cependant, pas. Après tout, elle ne se doutait pas qu’une personne qui lui était totalement inconnue puisse formuler son nom avec autant d’aisance.
Lentement, veillant à contenir la moindre de ses émotions, elle laissa un léger sourire se dessiner sur son visage. Cette esquisse était vénielle. Elle n’aurait aucune conséquence sur son aplomb, persuadée à présent de tenir la situation sous son contrôle, l’enfermant dans une cage, tel un animal.


« Il y a bien longtemps que les princes ont été dépouillés de l’estime qui leur était accordée. »

Simple, sa réponse, qui n’avait rien de sibylline était, très probablement, à mettre sur le compte des absurdités les plus pathétiques énoncées par une jeune fille. Sa vivacité d’esprit l’avait abandonnée au plus mauvais moment. Elle se détourna, honteuse de n’avoir su trouver une réplique cinglante à prononcer à la figure de ce godelureau et se releva d’un bond, se tenant droite, s’éloignant de quelques pas du tabouret sur lequel elle s’était assise au tout début, comme révulsée par sa vue.
Sa démarche lui arracha une grimace et elle secoua la tête, tâchant de rassembler ses idées pour ne pas paraître ennuyeuse. Ses réactions rappelaient celles des jeunes vierges effarouchées et elle se maudit de cet aspect qu’elle donnait d’elle-même. Si seulement l’art de la séduction avait coulé dans ses veines comme son ami ! Si seulement elle n’avait pas cette impression de profond ridicule lorsqu’elle tentait de ramener un homme dans ses filets ! … Probablement aurait-elle pu tenter une approche des plus audacieuses face à ce jeune homme… Mais Eden Northen ne possédait plus ce panache qu’ont toutes les dames de la haute société. Elle en avait été dépouillée et n’avait pas réussi à le retrouver, s’abandonnant à elle-même, délaissant tout ce qui constituait la « course aux honneurs » et les moqueries des salons.
Elle retint promptement un soupir qui menaçait de s’échapper de ses lèvres et se reprit, masquant son trouble sous un nouveau sourire qu’elle aurait voulu plus délectable, plus mystérieux… Juste de quoi désarçonner à son tour ce bellâtre.


« … Mais peut-être saurez-vous redorer leur blason et leur donner une image plus coruscante ? »

Nouvelle grimace. Nouvelle frustration. Ses phrases sonnaient creux, les mots lui paraissaient vides de sens, allant de pair avec les traits de son visage toujours empreints de cette morosité, de cet ennui qui lui étaient si chers. Son regard rencontra celui de l’inconnu, attisant légèrement cette peur inexplicable qui la saisissait.
Contrôle.
Elle laissa ses yeux s’attarder avant de lâcher prise et de les baisser, dérivant vers ses mains. Indéniablement, elles lui rappelaient celles qui avaient naguère parcouru son corps et qu’elle avait laissées faire avec plaisir. A présent, elles la répugnaient autant qu’elles l’attiraient.


« Cependant, je doute que le prince parvienne un jour à séduire la princesse. »

Sur ces paroles qui la répugnèrent encore plus que les précédentes et qui lui parurent encore plus creuses, elle lui tourna proprement le dos pour se rasseoir sur le tabouret qui était bien plus accueillant et bien moins douloureux. Fermant les yeux, elle posa ses longs doigts fins sur les touches avant d’appuyer, s’enfermant une nouvelle fois dans la musique, échappant à la réalité.

Pangloss avait dit « tout est au mieux dans le meilleur des mondes » et Candide l’avait suivi sans sourciller… Mais, depuis bien longtemps, la jeune demoiselle avait cessé de croire en ces mièvreries, convaincue que le château de Thunder-Ten-Tronckh n’était qu’un mirage, une illusion, reflet de tous les désirs de l’Homme.


[ HJ : Il ne s’agit pas de moi sur la vidéo, hélas… Je donnerais n’importe quoi pour jouer ainsi.]
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